Un chantage royal qui tourne court

chantage royal au Roi Mohammed VI

 

Deux journalistes français, Eric Laurent et Catherine Graciet se sont rapprochés de Maître Hicham Naciri, un émissaire du Palais de Sa Majesté, le Roi Mohammed VI.

Le premier rendez-vous
Un premier rendez-vous qui a eu lieu le 11 août au bar du Royal Monceau à Paris, ayant pour objet la non publication d’un livre révélant des informations gênantes sur le Roi du Maroc contre 3 millions d’euros !

Lors de ce premier rendez-vous, l’avocat marocain enregistre la conversation avec Eric Laurent sur son iphone. (information du JDD)

L’avocat :
« Vous voulez quoi ? »

Eric Laurent :
« Je veux trois »

L’avocat :
« Trois quoi, trois mille ? »

Eric Laurent :
« Non, trois millions »

L’avocat :
« Trois millions de dirhams ? »

Eric Laurent :
« Non, trois millions d’euros »

A la suite de ce premier rendez-vous, et fort de l’enregistrement compromettant, une plainte sera déposée devant le procureur de Paris, le 20 août, pour chantage, tentative d’extorsion de fonds et association de malfaiteurs

Le second rendez-vous
Le 21 août, un deuxième rendez-vous est prit, toujours au bar du Royal Monceau, mais cette fois-ci en présence (discrète) de la police française.

L’avocat :
« Vous avez des informations très importantes, très sensibles, et qui peuvent déstabiliser le régime de Sa Majesté {…} et vous dites que vous et madame Graciet, êtes disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage ? »

Eric Laurent :
« Définitivement, exactement »

Catherine Graciet n’étant toujours pas présente, l’avocat demande à Eric Laurent des garanties, ce à quoi il répond :
« On a discuté, elle a dit que si vous arrivez à un accord, elle arrête tout, le livre, les articles, les interventions publiques »

Avant de partir Eric Laurent rappel à l’avocat qu’il peut tout aussi bien faire « Le Roi prédateur » ou « Une affaire de famille » tous les deux ou trois ans.

Le dernier rendez-vous
Le troisième rendez-vous, aura lieu le 27 août. Initialement prévu dans la chambre d’hôtel de l’avocat, Catherine Graciet se méfie et demande à ce que le lieu de la rencontre soit le bar de l’hôtel Raphael. Dès son arrivée, elle demande à l’avocat de ranger son téléphone qui trainait sur la table, celui-ci s’exécute et le mettra dans sa poche, sans pour autant stopper l’enregistrement

Le début de la conversation portera sur la négociation des 3 millions demandés, les journalistes mettant en avant le fait de dédommager l’éditeur, l’accord se finalisera sur un montant de 2 millions d’euros.

Afin de récupérer les fonds de façon anonyme, la création d’un trust à l’étranger sera évoquée, mais pour l’heure l’avocat leur donnera 80.000 euros en espèce à titre d’avance, en contre partie d’une lettre résumant leur accord

« Par ce texte, nous déclarons que nous n’écrirons plus rien sur le Royaume du Maroc et ne nous exprimerons plus jamais sur ce pays directement ou indirectement, ou par personnes interposées, et à faire quelques révélations que soit sur ce sujet, de même que nous prenons l’engagement de ne partager en aucune façon les documents et informations en notre possession avec qui que ce soit

En contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros qui seront versés selon des modalités que nous fixerons

Au besoin, nous signerons les actes juridiques afférents
Nous confirmons avoir reçu à ce jour un avance de 80.000 euros

PS : Madame Graciet précise qu’elle a collaborée jusqu’en juin 2015 à un documentaire commandé par France 3 sur le règne de Sa Majesté Mohammed VI et sa collaboration s’est donc déroulée avant le présent accord. La date de diffusion de ce documentaire n’est pas, à ce jour, fixé, étant précisé que ce documentaire ne contient aucune révélation couverte par cet accord »

La police attendra les deux journalistes à la sortie du rendez-vous pour les placer en garde à vue.

Aujourd’hui, Eric Laurent et Catherine Graciet sont sous le couvert d’une inculpation pour chantage et extorsion de fonds.

Chantage Royal sur Mohammed VI

A noter que Maître William Bourdon, l’avocat d’Eric Laurent, déclare :
« Eric Laurent reconnaît et assume, pour des raisons qui tiennent à un contexte personnel difficile, avoir consenti à rechercher un accord financier dans des conditions totalement étrangères à un chantage ou une extorsion de fonds »

Avant de rajouter :
« Rien dans le dossier n’établit {…} que l’un ou l’autre des journalistes aurait initié une discussion de nature financière et pas plus n’aurait exigé un paiement en contrepartie de la renonciation à publier le livre »

 

Devant cette situation, les Editions du Seuil, ont déclarées qu’ils ne publieraient pas le livre dont la sortie était prévue en 2016.

 

Les deux journalistes se défendent

Eric Laurent répond, dans les colonnes du journal « Le Monde » aux propos de Maître Dupond-Moretti, avocat français représentant le Royaume du Maroc :
« Selon lui, je déclare préparer un livre explosif, un brûlot et c’est trois millions pour ne pas le publier. Je mets au défi Dupond-Moretti et le Maroc de produire le moindre élément attestant cela. Je n’ai jamais tenu ces propos. Il n’y a jamais eu tentative de chantage »

 

De son côté, dans les colonnes du « Parisien » Catherine Graciet semble plus pondérée, et évoque un sens de la déontologie journalistique quelque peu tronqué :
« Quand j’ai signé le protocole où nous renonçons à écrire sur la monarchie, je me dis aussi que j’ai la preuve que c’est un corrupteur, puisqu’il l’a signé lui aussi. Et, comme c’est le Palais qui propose l’argent, j’y vois un deal privé entre deux parties. Je sais que, déontologiquement, moralement, ce n’est pas génial, mais je n’y vois rien de mal pénalement »

 

Les deux journalistes sont aujourd’hui assignés à résidence, et répondent qu’ils ont succombés à la proposition alléchante que Hicham Naciri leur à fait.